Vacances




Vacances ! Je n’ai pas de souvenirs de vacances, 

mais j’en ai d’innombrable de pré-vacances, les 

merveilleuses rêveries autour de ce mot 

magnifique.



Nous le prononcions au début de l’hiver avec une 

sorte de fermeté dédaigneuse. Ah ! Combien 

seraient meilleures ces futures vacances, tellement 

mieux que celles que nous venions d’achever…



Et puis, entre décembre et avril,  nous étions 

intarissables. Combien de pays avons-nous 

parcourus ainsi ! Sous combien de cieux différents

 avons-nous pris notre repos annuel ! Rien ne

 pouvait nous arrêter. Nous franchissions 

allégrement frontières, montagnes, océans. Nous 

descendions des hauteurs ouatées de l’Himalaya 

que pour nous plonger dans le bleu des mers des 

tropiques. Nous achetions des fourrures pour le

 Groenland et des  chameaux pour le désert. Le 

rêve nous permettait tout. Nous étions forts, nous 

étions riches, nous étions en vacances.



Ainsi durant l’hiver, nous visitions la terre : 

Voyages sur cartes, sans périls et pleins d’attraits ; 

merveilleux voyages que nous ne ferons jamais, 

que nous ne voudrions jamais faire, car ils 

n’auraient plus rien de ces enchantements.



Avec le retour du printemps s’opérait un curieux

 phénomène. Le ton de nos conversations au sujet 

des vacances devenait plus réticent, plus incertain. 

Nous n’affirmions plus, nous pensions seulement. 

Nous découvrions que l’Inde n’était pas dans la 

proche banlieue ! Nous rétrécissions le cercle de 

nos investigations intempestives. Nous repassions 

discrètement les frontières et nous nous 

réinstallions en France.



Mais heureusement, tout n’était pas dit, rien 

encore n’était fait. Nous pouvions encore rêver. 

Raisonnablement, certes, mais de quoi occuper les 

premiers beaux jours. Tout de même, entre Brest 

et Marseille, nous avions encore du terrain à 

arpenter ; et nous l’arpentions ! Non plus aves ces 

débordements d’enthousiasme qui nous 

précipitaient en pays étrangers, mais de bonne 

grâce, avec le flegme souriant de ceux qui 

connaissent déjà.



Provence, Bretagne, Poitou… Nous y passions en 

visiteurs pressés. Nous condescendions à sauter la 

Loire ou la Garonne. Nous acceptions de nous 

attarder sur un nouveau port, auprès d’un vieux 

château encore enrobé de mystère. Et puis nous 

revenions un peu déçus de ces pays trop francs, de 

ces fleuves qui ne roulent point d’or, de ces 

climats sans surprises, de ces villes au nom 

familier qui n’évoquaient plus rien. Nous ne les 

connaissions pas, nous n’avions pas envie de les 

connaître…



Et l’été passait sur nous. Nous languissions dans 

nos fauteuils de jardin. Nous étions délivrés de 

tous soucis, goûtés des voyages, appréciant notre 

ville, l’esprit en repos, heureux. Nous étions prêts 

à affronter l’hiver et les prochaines vacances !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire