Scènes de ménage


Je sais que tu m’attends, tapi au fond du placard. Tu es là, debout, trapu et rébarbatif. Tu es sûr de toi car tu sais très bien que tôt ou tard, je serai obligée de venir te chercher.

Je t’ai pourtant payé fort cher, et donc en droit d’attendre de bons et loyaux services. Hélas, il n’en est rien ! Tu m’en veux, c’est certain alors il faut que je me méfie et reste sur mes gardes.

Maintenant je viens te chercher pour notre promenade journalière dans la maison. Misère ! Evidemment tu ne vas pas venir tout seul, je te tire donc hors de ton refuge. Tu te fais aussi lord que possible et résiste tant que tu peux, freinant de tes quatre roues, patinant et comme j’insiste plus fermement tu m’atterris brutalement dans les chevilles. Aïe !

Et c’est parti pour notre combat journalier. ! Les premiers cinq mètres de couloir, tout va bien, mais à peine franchie la porte de la cuisine, ça commence. Nous abordons la porte-fenêtre devant laquelle j’ai placé un fort joli petit tapis et avant que je t’écarte, tu te jettes sur lui et l’engloutis aux trois-quarts. Je me précipite pour te l’arracher, tu tiens bien, moi aussi et nous voilà aux prises pour te le faire lâcher. Je finis par avoir le dernier mot, mais dans quel état l’as-tu mis ! Poussiéreux, râpé et fripé, hors service…

Tu étais jaloux ou quoi ? Je me venge et te gratifie d’un solide coup de pied dont mes orteils eurent fort à souffrir. Tu ne me fais pas attendre ta riposte. Tu engloutis voracement le pan de robe qui passe à ta portée. Si je ne récupère pas ma jupe, je finirai le ménage en petite culotte. Horreur ! Si quelqu’un arrive de quoi aurais-je l’air ? Je réussis à t’arracher le vêtement mais il n’y a d’autre solution que de tenir ma robe d’une main et de te tirer de l’autre : Deux fois plus fatigant… merci beaucoup!

Et ça ne fait que débuter. Encore un effort et j’en aurais fini avec la cuisine. Je te traîne vers la porte du salon. Tu suis sans renâcler mais sans oublier au passage de bousculer fort sournoisement la cuvette d’eau de la chienne. Je laverai donc la cuisine qui n’en présentait aucun besoin, je dois dire. Je passerai ma rage en frottant le carrelage. Encore merci !

Je pénètre dans le salon en te tirant à ma suite. Tu t’arrêtes. Quoi encore ? Tu n’as pas bien pris le virage et te voilà coincé dans l’encoignure, l’air innocent. Que faire ? J’oscille entre colère et découragement. Mais il faut bien ramasser les poils de chien. Après un coup brusque pour te dégager, tu tombes sur le dos, les quatre roues en l’air, pitoyable. Je te remets sur pied et dans un esprit de conciliation je te donne une tape presque amicale. Et c’est reparti… Profitant de ton esprit soumis, je me précipite et brosse de mon mieux devant, et toi tu aspires derrière.

Soudain un bruit inattendu me stoppe net. Je me retourne. Désastre ! Ton flexible a balayé la table basse, projetant au sol revues, livres, crayon, gomme, lunettes, bonbons. Et toi, tu continues à ronronner tranquillement, goguenard, en me soufflant de l’air chaud dans les jambes.

J’en ai assez pour ce matin. Je baisse les bras, tu as gagné, bravo ! Je coupe l’électricité, je roule ton fil et vais te remettre au placard. J’en ai fini avec toi, j’irai tout à l’heure chez « Darty »… Avant de fermer la porte, je te jette un coup d’œil. Tu ma sembles avoir l’air piteux et pas si mauvais que ça. Manquerai-je d’indulgence ? Après tout, c’était parfois drôle, nos bagarres du matin.

Verdict après délibération : Sursis.

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