Il y eu
d'abord le chien ! Et comme un malheur ne vient jamais seul, il y eu tous les
autres. Ils ne furent jamais pires !
Il était
jaune, hargneux, crotté et vicieux de par surcroît. Ce fut en somme ce qui le
sauva. Tant de calamités réunies sur un seul être nous le fit prendre en pitié
et nous l'installâmes parmi nous au sein de la famille. Nous devions d'ailleurs
en avoir d'amers regrets dans les années qui suivirent, ce chien jaune ayant
longtemps tardé à rejoindre ses ancêtres, ce qui lui laissa, entre temps, des
loisirs qu'il employât à nous prouver, avec un entêtement jamais égalé qu'il
existe de gros inconvénients à recueillir les chiens jaunes.
N'ayant
aucune conscience, il eut bientôt à son actif tous les méfaits dont un homme
est capable : Abus de confiance, fugues, violation de propriété, adultère,
entretien de concubines au foyer (Nous dûmes parfois en nourrir trois et
plus...) abandon d'enfants (Ô combien...), et enfin, dans les derniers temps,
vols à crocs armés. A partir de ce moment-là, nous devînmes complices et
receleurs. Il le fallut bien; il commençait à devenir suspect. Aussi
chantions-nous ses louanges et cachions-nous ses larcins, afin de détourner de
nous la vindicte publique.
Bref, cet
animal n'en était encore qu'à ses débuts, lorsque parut l'oiseau. C'était un
petit corbeau; nous le devions à ma jeune soeur et je dois avouer que,
influencés sans doute par l'expérience du chien, nous lui fîmes un accueil si
glacial, que la pauvre bête en garda un complexe, dit « Complexe du
Pingouin » , ce qui n'eut d'ailleurs aucune répercussion notable sur
l'intelligence de ce volatile remarquablement évolué, dont le trait de
caractère de caractère principal était l'appétit ! Ce jeune animal était
insatiable.
Nous dûmes
pour le nourrir déclarer aux mouches une guerre sans merci, ce qui eut pour
effet immédiat de nous ridiculiser dans l'esprit de nos voisins, qui nous
virent, 24 heures durant, nous livrer à qui mieux mieux derrière nos carreaux
repaires de mouches, à de grands gestes désordonnés des bras, sans obtenir pour
autant les résultats nutritifs que l'oiseau était en droit d'en attendre. La
chasse aux mouches fut donc abandonnée et nous revînmes à la pâtée
traditionnelle, à base de jaune d'oeuf. Nous passions la moitié de nos journées
à le nourrir, engloutissant pratiquement sans interruption de la nourriture
dans son gros bec largement fendu, qui lui servait aussi à pousser des cris
discordants, hors de proportion, je pense, avec la faim qu'il pouvait
ressentir.
Lorsque
nous eûmes dilapidé toutes nos économies et que mon père eut parlé de faire des
heures supplémentaires, le corbeau avait heureusement atteint une taille qui ne
pouvait laisser aucun doute sur son nouvel état d'adulte et il fut rendu à la
liberté, d'où il revint souvent nous voir pendant les périodes de disette.
Beaucoup
se seraient découragés, mais chez nous, il faut dire que d'origine auvergnate,
nous étions fort têtus, l'adversité renforçant notre courage, nous aurions
accueilli sans défaillance le tigre du Bengale ou l'éléphant des Indes. C'est
donc à la même époque que sévissait le lapin ! Tout comme peut sévir la peste
ou le choléra, le mot n'est pas trop fort !
Ce lapin,
un cadeau que me fit une amie, fut si parfaitement adorable dans sa jeunesse
qu'il faillit nous réconcilier avec la gent animale; Mais hélas, il grandissait
et ce, en liberté dans notre jardin. Si nous avions sagement élevé ce lapin
dans un clapier, jamais cette bête n'aurait eut l'idée de creuser un terrier et
jamais ce terrier n'aurait pris des
allures de catastrophes. Or, le lapin creusa et y prit goût. Il creusa d'abord
le jardin, qui se trouva ainsi promptement labouré en profondeur. Ceci n'aurait
pas eu une importance énorme si nous n'avions fait que de nous y tordre
quotidiennement les chevilles, chaque fois que l'un des tronçons de ce
labyrinthe s'effondrait sous notre poids, bien que mon père le prit fort mal,
le jour de pluie où il s'effondra dans la boue; Mais en creusant, ce rongeur
rencontrait des racines et nous devions constater plus tard que ces racines le
gênant pour ses travaux de terrassement souterrain, il vous les sectionnait
proprement. Comme il avait déjà sectionné tout ce qui dépassait en surface,
fleurs et arbustes, notre jardin, après la disparition de ces quelques arbres,
devint un Sahara miniature qui nous jeta dans la consternation.
Nous eûmes
alors une envie inattendue de civet, qui resta insatisfaite. Quant au lapin, il
n'avait pas encore dit son dernier mot. Après le jardin, il entreprit de
labourer la cave, qui n'en avait nul besoin, je dois dire. Pour ce faire, il
commença à s'attaquer à la porte où il pratiqua une ouverture, lui seul sait
comment. Ensuite, s'étant introduit dans la place, il se remit férocement au
travail et creusa, jusqu'au moment où il rencontra une conduite d'eau. Que
s'est-il passé alors, je l'ignore. Toujours est-il qu'au matin, l'eau clapotait
dans les escaliers de la cave, que les pompiers mirent toute la journée à
dégager notre sous-sol, que la Compagnie des Eaux ne consentit aucun rabais sur
les sommes que nous lui devions et que le lapin avait disparu.
J'ai su
plus tard qu'il avait eu la vie sauve, un voisin s'étant plaint d'une invasion
de taupes. Aucun de nous n'a eu le courage de lui ôter ses illusions et le
lapin sévit toujours à l'ombre de l'anonymat.
Je n'ai
pas grand chose à dire sur les deux tortues qui barbotaient et barbotent
toujours dans les 5 centimètres d'eau de leur aquarium. Réservées et
inoffensives, elles n'ont eu d'autre inconvénient que d'occuper l'aquarium et
par suite, de nous priver de baignoire. Non pas que nous ayons jamais eu la
prétention de nous baigner dans l'aquarium, mais quand le poisson rouge arriva,
il fallut bien, faute de mieux, le loger dans la baignoire, qui attendait à
cette époque dans la cour, le bon vouloir du plombier. Six mois après, l'hiver
qui, lui, n'attendait pas, avait pris le poisson dans ses glaces, qu'il nous
fallut briser pour délivrer l'animal. La glace nous donna beaucoup de mal. La
baignoire, elle, céda aux premiers coups. Nous dûmes racheter un deuxième
aquarium et longtemps après, mon père, il était rancunier, nous fit installer
une cabine de douche.
Que
dirais-je encore ? Nous n'avions pas de chance, mais les animaux, qui ont,
dit-on, meilleur caractère que les hommes, finissaient toujours par s'habituer
à nous et d'aussi loin que je me souvienne, j'en ai connu à la maison, beaucoup
y sont encore et nous ne parvenons pas à la regretter, puisque..... Mais
celle-ci est encore trop jeune pour avoir son histoire.
Gégée
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