Histoire de Jean-Marie


Jean-Marie voulait bien être Breton ! Ca oui !  La Bretagne était un beau pays ? D’accord ! Il voulait bien être marin, comme son père, son grand-père…C’était chose entendue, cela n’avait en somme rien d’extraordinaire ! Mais, car il y a un « mais », Jean-Marie ne voulait croire ni en Dieu, ni en Diable. Et c’est en ceci que Jean-Marie cessait d’être, pour sa mère, sa famille et ses amis, un jeune homme ordinaire, issu d’une honnête famille chrétienne de Bretons.

Jugez-en : Le dimanche matin, au lieu de venir s’asseoir près de siens à l’église, proprement vêtu et le cœur rempli de bonnes résolutions, il partait seul courir sur la grève, les cheveux fous et les yeux brillants et ce jour-là, seules les mouettes lui tenaient compagnie.

Si encore il s'en était tenu là! Mais non ! Ce garnement, poussé par je ne sais quel démon s'enorgueillissait de ce qu'il appelait "son indépendance" vis à vis de son créateur et il venait parader, à la fin de la messe, insolent et narquois.Evidemment, cela ne pouvait durer.Les paroissiens s'indignèrent, en parlèrent, à Monsieur le curé, qui, s'indignant à son tour en parla à l'enfant:Celui-ci lui rit au nez et s'esquiva.On le sut par sa mère qui avait assisté à l'entretien.Monsieur le curé, lui, récupéra son prestige en remettant l'affaire entre les mains de Dieu.Et je fus bien obligée de croire qu'effectivement, Dieu fit le reste...puisqu'y eut le miracle.


C’était le jour de la procession annuelle. Fleurs, cierges, bannières, enfants de chœur, tout était prêt. C’était aussi jour de fête. Ainsi qu’à l’accoutumée Jean-Marie s’était éclipsé dès l’aube, malgré prières et menaces. Il avait pris son air buté des mauvais jours et sa pauvre mère s’attendait au pire. Et elle n’avait pas tort !



C’était le jour de la procession annuelle. Fleurs, cierges, bannières, enfants de chœur, tout était prêt. C’était aussi jour de fête. Ainsi qu’à l’accoutumée Jean-Marie s’était éclipsé dès l’aube, malgré prières et menaces. Il avait pris son air buté des mauvais jours et sa pauvre mère s’attendait au pire. Et elle n’avait pas tort !

Imaginez un peu : La procession avançait lentement sur la crête de la falaise qui domine la mer, lorsque des hurlements venus d’en bas attirèrent l’attention des paroissiens, pourtant fort recueillis. Jean-Marie, pêcheur impénitent et non repenti avait trouvé un jeu nouveau. Il jouait à « Guillaume Tell » ! En soi, cela n’a rien de tellement répréhensible, mais dans le cas de Jean-Marie, cela était monstrueux.

Je dois dire que sur la grève se trouvait un vieux calvaire abandonné, sans cesse envahi par les eaux, et ce calvaire représentait Jésus en croix, et c’est précisément ce dernier que Jean-Marie avait choisi comme partenaire. Il visait soigneusement avec des petites pierres un galet rond placé sur la tête de Notre Seigneur Jésus et poussait des cris délirants et parfaitement diaboliques chaque fois qu’il faisait mouche.

Monsieur le curé pâlit et tomba à genoux, tout ce que la paroisse contenait de bons chrétiens tomba à genoux également et chacun de se mettre à prier pour que le Ciel punisse un tel outrage et foudroie sur l’heure le misérable. Or le misérable, plus isolent et plus narquois que jamais, les poings aux hanches, le nez en l’air se réjouissait fort de la parfaite réussite de sa diabolique trouvaille en matière de jeux d’adresse, je crois même qu’il n’en espérait pas tant.

Cet insolent triomphe fut plus que n’en pouvait supporter la chrétienne résignation des quatre jeunes porteurs de la statue de Notre Vierge Marie. Abandonnant là l’Immaculée Conception, qui s’y macula d’ailleurs quelque peu, et se sentant soudain désignés pour venger son Saint Fils Notre Seigneur Jésus, ils dévalèrent la falaise dans le but apparent de se substituer à la foudre qui ne se décidait pas à frapper.

Devant cette menace infiniment plus précise que celle d’un hypothétique orage, notre jeune garçon soudain saisi de frayeur, détala à toutes jambes vers des lieux plus cléments.
On ne pouvait évidemment pas, vu la solennité de la cérémonie, continuer une poursuite dont le résultat semblait aussi incertain. On regretta la foudre, dont la justice est quand même plus expéditive. On se consola en pensant que le gamin ne perdait rien pour attendre, on redressa Notre Sainte Mère Marie avec peut-être un peu moins d’égards qu’il eût été souhaitable et la procession reprit.

L’incident sembla clos, le soleil fila son or et les heures comme à l’accoutumée et l’angélus appela la nuit, qui s’installa paisiblement sur le village. Mais alors, direz-vous, et le miracle ? Nous y voilà !

Vers les dix heures, on vit sortir la mère de Jean-Marie. D’un pas rapide, elle se rend au presbytère, réveille Monsieur le curé, lui parle bas. Celui-ci lève au ciel, qui n’en a que trop vu déjà aujourd’hui, des yeux et des bras éloquents et s’en va à son tour réveiller son bedeau, lequel va, sans souffler mot, tirer les cloches de leur silence.

Et ce n’est pas, comme vous pouvez m’en croire, le joyeux carillon de l’après-midi, mais le tintement grave du tocsin qui s’éparpille sur le village. On se rassemble sur le parvis, on se renseigne. Jean-Marie n’est pas rentré… Jean-Marie, moussaillon de dix années, désespoir de sa famille, honte de la paroisse. Mais Jean-Marie, Breton, Jean-Marie, futur marin, peut-être en danger et ici chacun sait que l’on n’abandonne pas un marin en détresse, ce marin fut-il mauvais, fut-il Satan lui-même.

Et voici que l’on apporte des lanternes, un cordage, voici qu’une procession se réforme, la même ou à peu près que celle dont l’enfant s’est joué durant l’après-midi. Elle repart, se dirige vers la grève, songe avec angoisse à la mer qui bondit rugissante au pied de la falaise, qui se répand, sournoise, au travers des roches, nivelant leur crête acérée et pointue. On évalue la hauteur de l’eau par rapport au Christ gigantesque, solidement campé sur son roc par un socle en béton et qui a pourtant de l’eau jusqu’aux épaules à chaque marée.

Si ce vaurien n’a pas songé à fuir avant la montée des eaux, il est perdu. On éclaire, on cherche, on appelle de tous côtés : Rien. Toujours rien. Les femmes se signent en silence, les hommes sont graves. Craignent-ils que le Ciel ait entendu leur malédiction, alors que maintenant ils sont prêts à pardonner de tout cœur ? Les voici tous, à nouveau au bord de la falaise, à genoux. Sont-ils en train de prier ou bien scrutent-ils l’eau noire au-dessous d’eux ?

Et soudain, un appel. Oh ! bien faible, bien lointain, mais enfin un appel qui réchauffe les âmes. On se relève, on dévale à nouveau la pente, serrant d’une main la lanterne, s’accrochant de l’autre à tout ce qui dépasse, roc ou arbuste. Les lumières s’immobilisent et se rassemblent presque au ras de l’eau, elles se lèvent au bout des bras tendus et jettent ensemble leurs lueurs en direction de la voix. Ô mon Dieu, que voit-on ? Jean-Marie vivant. Jean-Marie reposant entre les bras du Christ de pierre, cramponné à son cou. Sauvé ! Ô miracle ! Dieu a pardonné l’offense ! Dieu a sauvé l’enfant ! Gloire à Jésus.

Ne soyez pas sceptiques, vous qui lisez ce récit. Pour ma part je préfère croire à un miracle. Bien sûr, Jean-Marie délivré de sa miraculeuse posture nous a expliqué comment il s’était laissé surprendre par la marée dans le trou où il s’était caché. Il a bien expliqué comment il s’était hissé, en s’aidant des plis de la tunique de pierre, jusqu’aux bras du Christ, seul point émergeant des vagues. Mais il est tout de même une chose qu’il n’a pas pu expliquer et qui est inexplicable : C’est pourquoi, lui, pêcheur impénitent et non repenti, je l’ai trouvé le dimanche suivant près des siens à l’église, proprement vêtu et le cœur rempli de bonnes résolutions.

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