Pour la Sainte Catherine


Chère Catherinette



Malgré ma joie qui est très grande
Tu me vois fort embarrassée
Pour répondre à cette demande
D’avoir à  te féliciter.

Donc je réclame ton indulgence
Pour ces pauvres vers estropiés
Non remboursés par l’assurance
Mais bien payés par l’amitié.

Imagine mon inquiétude
De ne pas bien savoir comment
Et sans me rendre ridicule
On peut tourner un compliment.

Je ne voulais pas pour le faire
Me servir des lieux communs
Ni te dire, ainsi qu’on l’espère
Que tu te marieras…demain…

Mais comment puis-je alors te dire
Ce que tous nous pensons ici
De ta gentillesse, de ton rire
De ton entrain, de ton esprit ?

Mais il n’est peut-être pas sage
De trop vanter tes qualités…
Tu pourrais, sans être volage,
Près des messieurs en profiter !

Chère Catherinette, donc je termine
Te souhaitant pour tes vingt-cinq ans
Plein de bonheur et j’imagine
Un très moderne Prince Charmant.

Infini


JE VOUDRAIS QUE L’UNIVERS TOUT ENTIER SOIT UN LAC D’EAU  CLAIRE

OU JE PLONGERAIS MES MAINS,

RETENANT AINSI EN FINES GOUTTELETTES TRANSPARENTES

L’INSAISISSABLE DE LA VIE,

UN LAC D’EAU CLAIRE

DANS LES PROFONDEURS DUQUEL SE PERDRAIT LE REGARD DE MON AME

PAR-DELA LES SECRETS DE LA NAISSANCE ET DE LA MORT.

Fêtes des mères


MAMAN




Avoir pris un vers, y avoir mis douze pieds
Non pas un ver de terre pour en faire un mille-pattes
Mais un vers poétique avec tout ce qu’il sied
Pour en faire un poème avec rimes de quatre.

Avoir pris quatre vers et beaucoup de moi-même
Non pas quatre verres vides qui ont soif étanchée
Mais quatre vers bien pleins pour te dire que je t’aime
Pour en faire un poème à toi seule dédié.

Avoir pris un poème et avoir une mère
Non pas une mère l’Oye des vieux contes d’antan
Mais une mère qui seule a le droit sur la terre
Pour dire la vérité, de s’appeler « Maman » 

Avoir pris une enfance et toute une jeunesse
Non pas celle des autres qui s’est ailleurs passée
Mais celle qui près de toi et avec ta tendresse
M’a laissé souvenir d’un beau conte de fées.

Avoir pris de l’amour et de la gratitude
Non pas de ceux qui sont partout à bon marché
Mais de ceux qui sont chers et donnent certitude
Pour une vie entière de ne jamais s’user.

Avoir beaucoup d’orgueil pour espérer te dire
Ce que rie sur la terre ne saurait exprimer
Mais avoir grand espoir de te faire sourire
Avec ce sot poème à deux cent quarante pieds.

Farfadets


Jadis dans les forêts, lorsque j’étais enfant
Avec les farfadets j’ai joué bien souvent
Je me souviens encore de leurs mines comiques
De leurs chapeaux pointus, de leurs grands yeux obliques
Aux reflets souvent froids.

Lilias aux cheveux blonds et de vert habillé
Etait le plus petit et le plus effronté
Dans le fond des forêts en riant aux éclats
Il se moquait du loup et le montrant du doigt
Il le changeait en biche.

Flame, le plus âgé et très cérémonieux
Le bonnet à la main m’invitait parmi eux
Son habit rouge et noir m’a toujours intriguée
Il pouvait, m’a-t-on dit, se changer en fumée
Le jour du grand Sabbat.

Mais le plus mystérieux de tous mes compagnons
Etait Trompe-la-Mort et son blanc étalon.
La bête parcourait le ciel sans étapes
Et le nain sur son dos laissait flotter sa cape
Et sa barbe pointue.

Fait d'hiver


La Seine. Le soir
Des arbres, un banc
Sur le banc un homme ou un enfant
Comme vous voudrez, il a vingt ans.
Il est assis et regarde couler la Seine.
Ca l’intéresse, lui, de savoir de quel côté
Elle va, la Seine.
Ca l’intéresse de savoir dans quelle direction
 Il roulera tout à l’heure.
Sur son bouquin de géo, c’est facile de se retrouver :
Source, embouchure…

Ici évidemment c’est plus compliqué.
Voyons ! Sud, nord…
La mer est par ici, la montagne par là
La mer, c’est fini, jamais il ne la connaîtra
La montagne, c’est différent
Il pense à l’Auvergne maintenant.
C’est là qu’il passait ses vacances
C’est là qu’il a aimé quand il avait quinze ans.
Ce qu’il ne comprend pas l’enfant qui est là sur le banc
C’est pourquoi on l’a tant engueulé.
Il a aimé, bien sûr, mais après tout,
Son amour était à lui. C’était même la seule chose
 Qu’il aima dans la vie, « son Amour ».

Evidemment on lui a expliqué
Que la vie était trop dure à notre époque.
Que l’on ne pouvait rien donner
Pas même son amour.
Elle est tellement dure, la vie,
Qu’elle l’ennuie mortellement.
Il en a marre de la vie,
Marre de se faire engueuler quand il rentre tard.
Il veut qu’on lui foute la paix, là, sur son banc.
Il se fout de tout, de sa jeunesse, du Bon Dieu
De l’eau sale, de ses parents.
Et même de son amour perdu à quinze ans.
Il peut même arriver à en rire, maintenant.
Tenez, là, tout de suite ! Sur son banc !

Et l’enfant qui souffre se met à rire férocement.
Un rire d’homme aigri, cynique, méchant.
Et toujours riant il se lève
Et se dirige vers l’escalier de pierre
Que la Seine tapote doucement.

Il se penche sur l’eau sale et compte :
Un… Effort de volonté : Héros cornélien !
Deux… Loi de la pesanteur !
Trois… Principe d’Archimède !

La seine, un soir, des arbres, un banc
Un banc vide.



Le lendemain, la concierge :

Un bon p’tit gars, M’sieurs Dames ! Et économe avec ça !
T’nez, pas plus tard qu’hier, j’l’ai entendu dire à sa mère :
« Je ne comprends pas les gens qui se suicident au gaz, ça coûte si cher le mètre-cube »